Communiqué conjoint des présidentes de l’AFA et du CNAOP

 

AVANT-PROPOS. Examiné début juin par le Conseil d’État, le projet de loi relatif à l’enfance a été présenté le 16 juin en conseil des ministres, par Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et par Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles. Une procédure accélérée avait été engagée par le gouvernement. Le projet de loi vient compléter les actions menées par le gouvernement en matière de protection de l’enfance. Le texte sera discuté à l’Assemblée nationale à partir du 6 juillet 2021.

Ce projet de loi peut faire évoluer l’AFA vers une extension de mandat : une attention particulière doit être portée aux moyens complémentaires et nouveaux pour assurer l’ambition du nouvel organisme créé par cette loi et les missions nouvelles que l’AFA pourrait être amenée à assumer (notamment, mais restant encore à définir, la gestion de la coordination en matière d’adoption nationale et la participation au centre de ressources du nouveau GIP en matière d’adoption ainsi qu’en matière de recherches des origines en lien avec le CNAOP, qui dispose de l’expertise).

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COMMUNIQUÉ. La stratégie pour la protection de l’enfance que le gouvernement met en œuvre et qu’il souhaite approfondir via un projet de loi vise à « garantir à chaque enfant les mêmes chances et les mêmes droits » et améliorer de manière continue les dispositifs de protection de l’enfance. Nous ne pouvons que souscrire à ces objectifs.

Début 2020, 306 800 enfants relevaient à un degré plus ou moins fort de la protection de l’enfance. Parmi eux, certains, les pupilles, n’ont plus aucun lien juridique avec leurs parents et peuvent bénéficier d’un projet d’adoption.

La création proposée par le Gouvernement d’une « maison commune » de la protection de l’enfance comprenant un centre de ressources pour la protection de l’enfance représente un espoir pour un meilleur cadre de travail et un meilleur accompagnement des professionnels qui mobilisent toute leur énergie au service de la protection de l’enfance. Pour l’adoption et la recherche des origines, elle représente un espoir pour les personnes concernées, les familles adoptantes et tous les adoptés et pupilles à la recherche de leur origine.

Le nombre d’enfants nés sous le secret baisse régulièrement : 548 fin 2018 et 448 fin 2019, soit une baisse de plus de 18%. Parallèlement, le nombre global de pupilles a augmenté de 6% pendant la même période avec la transformation de la « déclaration judiciaire d’abandon » en « déclaration de délaissement parental ». Mais les enfants devenus adoptables ne correspondent pas toujours aux projets d’adoption des candidats. Leur profil est très souvent comparable à celui des enfants confiés à l’adoption internationale. En effet, l’adoption internationale a profondément évolué ces dix dernières années avec la chute du nombre d’enfants proposés par leurs pays d’origine à l’adoption. En 2005, 4 136 enfants étaient arrivés en France de l’étranger, en 2019, 421. Plus de 60% des enfants présentent un profil qui rend plus difficile la mise en œuvre de leur adoption. Ils sont soit âgés de 5 ans ou plus, soit intégrés dans une fratrie de deux enfants ou plus. Ils peuvent aussi avoir une histoire particulièrement lourde ou stigmatisante ou bien être porteurs de particularités médico-psychologiques, voire de handicaps.
Cette évolution du profil des enfants a nécessité une adaptation régulière des interventions de l’Agence Française de l’Adoption. L’AFA s’est dotée des moyens de rechercher pour chaque enfant la famille en capacité de répondre à ses besoins puis d’accompagner la famille dans le processus d’adoption. Elle dispose désormais d’un savoir-faire et d’une expertise affirmés et reconnus.

Ce modèle doit aujourd’hui être tout à la fois préservé, consolidé et pérennisé.

Tout en veillant à ce que soient garantis les accompagnements des projets d’adoption à l’international, l’AFA peut devenir un centre de ressources pour les départements qui ont du mal à trouver sur leur territoire la famille qui correspond aux besoins de chaque enfant.

Aujourd’hui, au-delà de précieuses initiatives locales, il est rare que des enfants puissent être adoptés hors de leur département de prise en charge ; cela est rendu possible par une mobilisation et une communication de certains services adoption des départements. Ce sont des initiatives locales, dépendantes de multiples facteurs et de moyens humains en particulier.

Il n’existe pas de base de données utilisée sur l’ensemble du territoire français permettant de croiser les besoins des enfants pupilles avec les projets parentaux.

Le projet de loi « enfance » répond à cette problématique, en proposant une réforme qui préserve entièrement l’exigence que l’Etat doit aux enfants adoptables qui lui sont confiés. Les mesures de ce texte permettront également d’améliorer les procédures en matière d’accès aux origines, dont les demandes se multiplient.

La démarche de recherche – puis éventuellement d’accès à ces origines- doit être accompagnée, car elle peut être source d’espoirs et de joies, comme de risques et de déceptions. Elle nécessite recul et accompagnement à l’heure où les réseaux sociaux et le recours à des tests ADN, en dehors de tout cadre légal pourraient laisser penser que toutes les retrouvailles sont possibles et qu’elles se passeront bien.

Un centre de ressources avec des professionnels formés, tel que proposé dans ce texte, permettrait un accueil et un accompagnement de ces demandes aux multiples facettes, devenant la porte d’entrée pour tous ceux qui recherchent leurs origines, au-delà des enfants nés dans le secret, avec des procédures encadrées et des dispositifs sécurisés de conservation des histoires individuelles.

Les institutions existent, mais la coordination est insuffisante et un soutien plus cohérent n’est possible que si la loi l’autorise. Un sursaut législatif est maintenant impérieux pour que ces enfants, devenus adultes se construisent et trouvent des réponses à leurs besoins, pour que la France se mette en conformité avec ses engagements internationaux, la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 et- la Convention de la Haye sur l’adoption internationale de 1993, et pour que les ressources et le savoir-faire de l’AFA et du CNAOP ne disparaissent pas.

 

Madame Joëlle VOISIN · Madame Huguette MAUSS
Présidente de l’AFA · Présidente du CNAOP